Le 28 septembre 2021, l’Assemblée Nationale a voté un projet de loi relatif aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant par leur activité aux plateformes. Derrière ce nom alambiqué et ce texte, se dévoile la problématique galopante de l’ « Uberisation » de la société, du statut des travailleurs indépendants et de leur représentation.
Fortement impliquée dans les discussions menées, la CFTC a opté pour une approche du syndicalisme contemporaine et s’est rapprochée des principaux intéressés pour identifier leurs attentes et les porter aux oreilles des parlementaires qui ont maintenant la possibilité de faire évoluer le texte.
Comment ces discussions se nourrissent-elles ? Les députés gardent-ils une oreille attentive aux partenaires sociaux ? Retour sur un sujet de société aux multiples enjeux.
En charge pour le groupe « socialistes et apparentés » de l’Assemblée Nationale de ce projet de loi, Monsieur le Député Boris VALLAUD, nous livre son retour sur les échanges menés avec la CFTC.
« Lors des auditions menées pour mon groupe parlementaire en amont de l’examen du projet de loi de ratification j’ai pu constater que nous nous rejoignions avec la CFTC notamment pour considérer que ce projet ouvrait un réel risque de troisième statut entre la réelle indépendance d’une part, qu’il faut conforter et accompagner, et le salariat d’autre part, dont il faut renforcer les droits et protections spécifiques. »
Propos que la CFTC complète en évoquant la nécessité d’avoir des garde-fous protecteurs pour les travailleurs de plateformes et régulateurs pour ces dernières.
Une histoire de travailleurs et d’encadrement des conditions d’exercice
De quelle nature est la relation contractuelle qu’entretiennent les travailleurs avec les plateformes numériques pour qui ils travaillent ? Voici l’une des questions majeure qui se pose. Le nœud de la discorde : le statut.
Selon les points de vue, on les considère comme salariés s’ils sont indépendants, on les qualifiera alors de « fictifs » ; à l’inverse d’autres les considéreront comme de véritables autoentrepreneurs.
La CFTC s’inscrit directement dans le droit français qui veut qu’un actif non salarié est un travailleur indépendant. Ainsi, aucune modification de son statut n’intervient pour ce travailleur.
Etre au plus proche du terrain et de ses attentes !
« Nous avons choisi d’être à l’écoute et de respecter le choix de ces travailleurs. » Nous explique Jean-Marc CICUTO, politique CFTC en charge des négociations sur ce sujet.
Comme à son habitude la CFTC est au plus près du terrain. Ainsi, elle souhaite laisser le choix aux travailleurs d’obtenir une requalification devant le juge si ces derniers le souhaitent car contre toute attente, beaucoup ont fait le choix d’être travailleurs indépendants.
Mais au-delà de la question statutaire, d’autres interrogations perdurent et notamment celle de la précarité ! Le sujet est surtout celui-là, nous déclare Jean Marc.
Auditionné au Sénat encore récemment, il nous explique qu’environ 30% des travailleurs sont confrontés à une grande précarité et du travail dissimulé.
Selon la CFTC, l’enjeu est précisément dans cette question de déséquilibre. Le travailleur est à la croisé des chemins, à la fois dans une logique de subordination vis à vis de son client quasi unique, donc comme un salarié, sans pour autant avoir la couverture sociale qui va avec, car il reste un indépendant.
Comment envisager des jours meilleurs pour les travailleurs des plateformes ?
Pour répondre à cette question, et forte des enquêtes menées auprès de ces travailleurs, la CFTC défend les points suivants :
- la prise en charge au titre des accidents du travail/maladie professionnelle (dans des termes à adapter à l’indépendance statutaire) ;
- l’amélioration du régime maladie-maternité existant ;
- le financement et la mutualisation des risques santé ;
- la possibilité pour un travailleur de plateforme – présumé indépendant – de définir une part variable dans sa tarification sur le prix des courses qu’il facture au client consommateur via la plateforme ;
- la transparence et la lisibilité des algorithmes, présentés de plus en plus comme une nouvelle source de management ;
- la formation professionnelle, essentielle dans un contexte où les parcours professionnels sont de plus en plus saccadés, et dans la mesure où les travailleurs de plateformes exercent des tâches peu ou pas qualifiées.
Pourquoi ce choix législatif ? Qu’a t’il de positif et de regrettable?
Bien que la CFTC se réjouisse de voir plusieurs de ses propositions reprises dans le projet de loi, le recours à l’ordonnance ne favorise pas le dialogue ni la concertation.
Certes, la méthode retenue permet d’agir rapidement compte tenu de l’urgence et de l’engouement constaté pour ces nouveaux emplois (+33% de travailleurs indépendants en 2017 selon l’INSEE) mais elle nécessite d’anticiper les évolutions sociétales et de changer sa façon de faire.
La CFTC aurait préféré que l’état prenne le temps des discussions mais, comme le précise Jean Marc CICUTO, Politique CFTC en charge des négociations sur ce sujet, « face à un sujet aussi important il ne faut pas confondre vitesse et précipitation ».
Et demain ?
En attendant la promulgation et l’application de la loi encadrant ces travailleurs, la CFTC se réjouit. L’état a d’ores et déjà confié à l’ARPE (Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi) la supervision des élections professionnelles qui devraient intervenir d’ici la fin de l‘année.
Elle sera en charge de l’organisation des élections des représentants de travailleurs, de gérer le financement de leur formation et de leur indemnisation, d’assurer leur protection en se prononçant sur les demandes d’autorisation en cas de rupture des relations contractuelles.
Des élections professionnelles ouvertes aux Organisations Syndicales et aux collectifs de salariés constitués.
Affaire à suivre…
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