INTERVIEW LÉA WEBER – INFIRMIÈRE

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INTERVIEW LÉA WEBER – INFIRMIÈRE   Léa est infirmière dans un hôpital public parisien depuis 2 ans. Polyvalente au sein de son hôpital elle a été en première ligne quand la vague COVID 19 a déferlé. Elle revient sur ces deux mois qui ont tout changé. Léa a toujours été entourée par des professionnels de santé. Sa maman est infirmière anesthésiste et beaucoup de membres de sa famille sont dans le médical. Devenir infirmière était une évidence. Rien ne l’avait préparé à ce qu’elle a vécu. À quel moment avez-vous réalisé qu’une crise arrivait ? Très honnêtement, au début nous n’avons pas pris la mesure de ce qui nous arrivait. On pensait que nous ferions face à une grippe saisonnière, peut-être plus importante, mais nous n’aurions jamais pu envisager l’ampleur de la crise que nous venons de traverser et la manière dont ça allait chambouler nos vies. En tant que membre de l’équipe soignante, avez-vous été informée avant le grand public ? Non, nous avons eu l’information en même temps que tout le monde de la catastrophe que ça allait être. Nous n’avons pas été prévenus en avance. Nous n’avions pas d’information sur ce qu’il se passait dans le grand Est. Nous ne savions rien. Je pense que nous aurions pu être mieux préparés et mieux informé car quelqu’un savait forcément. Avez-vous été surprise par la rapidité avec laquelle le virus s’est répandu ? Tout à fait. En une semaine tout à basculé. Au moment du confinement les choses ont radicalement changé et nous avons mesuré la violence de la crise et la gravité de la situation. Comment votre hôpital a-t-il réagi ? Là encore tout a été extrêmement vite. Quelques heures après l’annonce du confinement tout a été bouleversé et tout le circuit de l’hôpital a été réorganisé ce qui nous a permis de mieux identifier les patients COVID avant même l’entrée dans l’hôpital et de les isoler, soit chez eux s’ils n’avaient pas de signes aggravants, soit en les hospitalisant si les signes étaient sérieux. Je dois avouer que la réorganisation de l’hôpital a été extrêmement rapide et s’est très bien passée. Sur ce point il n’y a vraiment rien à dire. Au sein de votre hôpital aviez-vous suffisamment d’équipement ? Comme beaucoup nous avons manqué de masques et de surblouse. Les masques que nous avions été périmés. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant cette période ? Comme pour beaucoup d’infirmières ce qui m’a marqué c’est le nombre extrêmement important de décès et de voir partir tous ces patients dans des conditions extrêmement dures. Les patients mouraient seuls, sans leur famille. Nous avions tous un sentiment d’impuissance. Quel bilan faites-vous de cette période ? J’ai avant tout envie de retenir l’incroyable organisation que mon hôpital a mise en place. Ça s’est très bien passé. Nous n’avons jamais manqué de personnel, nous étions parfois trop dans les services, ce qui n’arrive jamais. C’était assez confortable. L’autre chose que je voulais souligner et qui m’a marqué c’est la solidarité au sein des équipes. On se soutenait et c’était même mon plus gros soutien durant cette période avec celui de ma mère qui est infirmière. On en parlait beaucoup ensemble. Le point noir a été le manque de matériel. C’est ce qui a été le plus dur et le plus pesant. Il fallait que l’on compte nos blouses ou nos masques, bref nous n’avions pas l’impression de travailler en sécurité. Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, les choses se calment mais nous restons prudents. Avez-vous des attentes particulières de la part du gouvernement ? Oui comme beaucoup nous attendons plus de ressources humaines et matérielles et bien sûr plus de considération. Mais avant tout nous voudrions pouvoir faire notre métier correctement dans de bonnes conditions et ce n’est pas le cas. Est-ce que cette période a changé votre regard sur votre métier ? Oui. Je me pose beaucoup de questions et je me suis dit que si les choses ne changeaient pas maintenant elles ne changeraient jamais. Si le gouvernement ne prend pas la mesure de nos attentes alors je ne pense pas que je continuerai car je n’aurais plus d’espoir. Je reprendrai peut-être mes études. Pour l’instant, je veux prendre le temps de la réflexion.